D’où est venue l’idée de créer une application de rééducation cognitive ?
Élodie Bernard : le point de départ est le besoin des familles. Les troubles des apprentissages touchent 8 à 10 % de la population et ont de très fortes répercussions sur la vie des enfants qui en sont atteints. Ils pâtissent souvent d’un diagnostic tardif et d’un suivi thérapeutique insuffisant. En effet, les orthophonistes manquent et ne peuvent pas assurer les 3 à 5 séances hebdomadaires recommandées par le Collège Français d’Orthophonie. Notre solution peut donc s’avérer pertinente en complément ou dans l’attente d’un rendez-vous. François Vonthron, le cofondateur de Poppins, est un passionné de musique qui a beaucoup étudié l’acoustique, notamment lors de ses études à Polytechnique. Il a mis ces éléments en regard d’études cliniques internationales, et notamment du travail du Pr Michel Habib, neuropsychologue de renom spécialisé dans les troubles du langage et des apprentissages.
Pouvez-vous nous expliquer le rapport entre la musique et ces troubles, et ce que votre thérapie solutionne ?
É. B. : le Pr Habib a identifié les liens entre certaines zones du cerveau qui servent à écrire, lire, etc. et la musique. Plus particulièrement, il a remarqué que le faisceau arqué – qui sert à mieux connecter ces zones du cerveau – des personnes DYS est moins développé que la moyenne, et celui des musiciens l’est davantage. Ainsi, les exercices rythmiques permettent d’améliorer la communication entre les zones du cerveau, et par conséquent, les capacités de lecture et d’écriture. Notre produit est une thérapie numérique basée en partie sur la musique.
À qui s’adresse-t-elle et quel en est le principe ?
É. B. : elle cible les enfants âgés de 7 à 11 ans, qui ont des troubles spécifiques des apprentissages. L’objectif est d’améliorer leur capacité de lecture via une prise en charge qui repose sur 3 piliers. Le jeune patient dispose d’une application numérique. Chacune des séances de 20 minutes consiste en un mix de jeux de langage écrit (reconnaissance de sons, identification de syllabes, etc.), comme on pourrait le faire avec un orthophoniste, et de jeux musicaux. Le programme thérapeutique Poppins comprend également un suivi pour le parent, qui a accès à une plate-forme pour suivre la progression de son enfant. De plus, nous proposons aux parents un accompagnement téléphonique individualisé pour leur expliquer la thérapie, répondre à leurs questions, etc. Nous avons également créé une communauté de parents en partenariat avec la Fédération Française des DYS et la MAE.
De quelles preuves cliniques disposez-vous à ce stade ?
É. B. : nous avons mené une étude clinique entre mai 2021 et juin 2023 auprès de 150 patients, en partenariat avec l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, avec un bras contrôle et un bras expérimental. Tous ont reçu une tablette à la maison. La moitié avait le jeu thérapeutique, l’autre moitié un jeu placebo. Les résultats préliminaires montrent un impact significatif sur la lecture de mots en vitesse et en précision. Ils ont également démontré un impact sur les compétences phonologiques des enfants ayant une dyslexie sévère.
Comment les patients peuvent-ils bénéficier de votre thérapie ?
É. B. : nous avons mis en place des partenariats avec plusieurs complémentaires santé (par exemple Aésio Mutuelle, PRO BTP, Abeille Assurance, ou encore le Groupe Pasteur Mutualité) et des entreprises comme Allianz France, qui font bénéficier de notre solution les enfants de ses collaborateurs. Mais beaucoup de familles frappent directement à notre porte. Ils ont donc depuis quelques mois la possibilité de souscrire directement un abonnement à notre programme thérapeutique pour leur enfant (dont le prix s’élevait en tarif de lancement à 26 €/mois). Pour les familles les plus modestes, nous avons mis en place un dispositif solidaire afin de leur mettre à disposition gracieusement. C’est important pour nous de rendre ce traitement accessible au plus grand nombre.
Combien êtes-vous aujourd’hui dans l’équipe et comment se répartissent les rôles de chacun ?
É. B. : nous sommes plus de 30 personnes. Nous disposons notamment d’une équipe produit composée de développeurs d’applications, de ‘game designers’, de chargés d’expérience patient, de responsables de la relation avec les familles, d’une équipe médicale, ou encore d’une équipe marketing/commerciale.
Quelles sont vos principales réussites ?
É. B. : sans aucun doute, notre première étude clinique. Sa conformité aux plus hauts standards internationaux est un gage de rigueur scientifique et ses résultats sont très prometteurs. Nous sommes également heureux des liens que nous tissons avec les familles et avec la Fédération Française des DYS. Nous avons de nombreux feedbacks des familles, qui nous encouragent et nous challengent. Ainsi, nous nous positionnons comme un acteur fédérateur au sein de notre écosystème.
Quelles sont les prochaines étapes pour Poppins ?
É. B. : une seconde étude clinique – de non-infériorité cette fois-ci – ciblera un plus grand nombre de patients. Ce sont ainsi 300 enfants qui vont participer à cette étude. Nous espérons qu’elle nous permettra de défendre une demande de prise en charge par la Sécurité sociale pour tous les patients. Par ailleurs, nous allons soumettre une demande de prise en charge anticipée pour rendre notre thérapie accessible le plus rapidement possible. Enfin, nous allons poursuivre nos actions aux côtés des associations de familles pour faire émerger cette cause. Il faut que ça avance plus vite !
Fiche d’identité Dénomination : Poppins (ex Mila)
Activité : thérapie numérique pour les troubles DYS
Création : décembre 2018
Effectif : 30 personnes
Web : www.poppins.io/