Comment est née l’entreprise Natural Grass ?
Marlène Pivard : Natural Grass a été créée en 2009 par Bertrand Picard. Bertrand était alors banquier d’affaires à Londres. En travaillant sur les modèles économiques des clubs de football, il s’est rendu compte que l’un des freins pour augmenter la rentabilité des infrastructures était la pelouse. Certains stades étaient peu utilisés entre les matchs, car le gazon devait être laissé au repos. Partant du constat qu’il n’y avait pas eu de grandes innovations dans ce domaine depuis au moins deux décennies, il est rentré en France pour lancer sa propre technologie de pelouse.
Quels ont été les débuts de l’entreprise ?
M. P. : les 4 premières années ont été consacrées à la recherche et au développement. Avec l’aide de son père, ingénieur botaniste, et d’une équipe de chercheurs, Bertrand a mis au point une technologie de pelouse renforcée, plus résistante que les pelouses classiques, et offrant une alternative aux pelouses synthétiques. Ils ont travaillé sur deux axes : un axe biomécanique, pour réduire le risque de blessures chez les joueurs, et un axe environnemental pour répondre au défi de la transition écologique. C’est comme ça qu’est née la pelouse « renforcée » de Natural Grass, qui est une pelouse naturelle, mais enracinée dans un substrat alliant liège, sable et fibres recyclées.
Le succès a-t-il été tout de suite au rendez-vous ?
M. P. : nous sommes passés à la phase de commercialisation à partir de 2013. Mais le tout premier client a été compliqué à trouver. Ce n’est pas facile pour un club de haut niveau de confier à une start-up le renouvellement de sa pelouse, alors que c’est son outil de travail. Finalement, c’est le stade de l’Aube, à Troyes, qui nous a fait confiance en premier. Et là, le succès a été phénoménal. Les équipes d’Arsenal et du Real Madrid, notamment, sont venues visiter la pelouse et ont été conquises.
Comment s’est fait le développement de l’activité par la suite ?
M. P. : l’entreprise a fortement accéléré sa croissance à partir de 2016, au moment de l’Euro de football qui s’est déroulé en France. Beaucoup d’infrastructures ont souhaité se doter d’une pelouse renforcée pour accueillir la compétition. C’est à cette période également que nous avons commencé à nous exporter à l’international, avec des demandes au Japon, en Algérie et en Suisse par exemple. En parallèle, nous avons aussi progressivement élargi notre champ d’action, en intégrant de nouvelles activités.
Quelles nouvelles activités avez-vous développées ?
M. P. : nous nous sommes aperçus qu’il y avait un vrai enjeu à intégrer la phase de construction des terrains, en intervenant également sur les couches inférieures et pas seulement la partie supérieure. C’est essentiel pour préserver les caractéristiques des pelouses. De fournisseur de technologies, nous avons étendu nos activités à la construction, l’entretien et la maintenance des surfaces sportives. Aujourd’hui, les équipes de maintenance représentent plus de la moitié de nos effectifs et la construction/bureau d’études, un quart.
Qui sont vos clients ?
M. P. : à la fois des collectivités et des clubs de football et de rugby de haut niveau pour leur stade ou leur centre d’entraînement. Nous équipons de nombreux terrains de foot de la Ligue 1 notamment. Notre technologie est également déployée sur des terrains de golf. Nous sommes aussi sollicités pour la conception et l’installation de pelouses hybrides en ville. Notre solution répond bien aux enjeux des surfaces en zones urbaines, qui subissent une forte fréquentation et des piétinements en continu.
15 ans après son lancement, où en est Natural Grass ?
M. P. : l’entreprise compte une centaine de collaborateurs aujourd’hui. Nous sommes présents dans plusieurs pays dans le monde, avec des filiales au Royaume-Uni, en Espagne, en Belgique, en Algérie et des partenariats locaux comme au Japon. En 2023, la société a réalisé 22 M€ de chiffre d’affaires.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
M. P. : continuer d’innover ! La recherche et le développement sont véritablement au cœur de notre ADN. Nous avons récemment créé une « gazonnière » pour répondre à la problématique des stades qui souhaitent organiser de gros évènements l’été, juste avant la reprise du championnat, sans avoir à attendre le temps de repousse du gazon. Grâce à notre gazonnière, nous pouvons ainsi précultiver le gazon pour l’acheminer en rouleau sur le site et l’étendre directement sur le terrain pour qu’il soit tout de suite opérationnel. Cela permet aux clubs d’occuper davantage leurs infrastructures et donc de mieux les rentabiliser.
D’autres développements sont-ils prévus ?
M. P. : le gros projet va consister dans le développement de notre nouvelle technologie Aquaflow, installée en projet pilote à Marcoussis, au Centre national de rugby. Celle-ci permet de réduire de 70 % environ les besoins en arrosage des terrains de sport. Un système de nappe phréatique permet de stocker l’eau de pluie dans le sol, pour pouvoir irriguer la pelouse par les racines. C’est une innovation importante pour les années à venir, car la sécheresse menace les stades. Ils n’auront pas toujours de dérogation pour arroser leurs terrains en cas de restriction d’eau comme cela a été le cas en 2022. Les retours sur cette expérimentation sont excellents. Nous venons de terminer la phase de R&D et nous passons à la phase de commercialisation. En parallèle, nous souhaitons accentuer notre développement à l’international.
Fiche d’identité Dénomination : Natural Grass
Activité : conception de pelouses hybrides pour terrains de sport
Chiffre d’affaires 2023 : 22 M€
Effectif : environ 100 personnes
Web : https://naturalgrass.com
